mercredi 1 juin 2011

Install, Risa Wataya



On y rencontre Asako, qui semble trainer son ennui partout et ne voit pas l’intérêt de suivre la course effrénée que subissent tous les petits japonais : dès leur naissance, ou presque, ils subissent une pression très forte pour faire leurs études dans les meilleures écoles possibles, sésame pour rentrer non pas dans les universités les plus prestigieuses, mais tout simplement dans une fac potable.
Mais tout cela dépasse Asako, et elle se met à sécher les cours, puis se débarrasse de toute sa chambre (mobilier et ordinateur portable) dans la cave de sa résidence. Oui, mais au Japon, pays où il est important de ne pas se mettre dans l’embarras ou de faire subir cela à quelqu’un d’autre, ce simple geste (bon je reconnais que ce n’est pas tous les jours qu’on bazarde toute sa chambre à la poubelle, mais  cela reste un choix individuel) prend une proportion importante, vu que le concierge ne voudra surtout pas de tous ces meubles dans le local à ordures. Ca, c’est un des voisins d’Asako, Kazuyoshi, dix ans, qui le lui dit. Il demande à récupérer son ordinateur pour gérer un compte sur un site de chat érotique.
Dans ces circonstances qui semblent irréelles, Asako apprend à le connaitre et l’aide même à gérer ce compte .Tous les jours, lorsqu’il part à l’école, elle s’introduit chez ses parents et, coincée dans le placard de la famille, elle parle à des hommes à travers un écran…

« Paroles d’une fille bizarre (oui je l’admets) et mal réveillée :
-          Et pourquoi faudrait-il que je continue à mener la même vie que tout le monde ? »

Ce livre de Risa Wataya est, dès sa première phrase, déroutant. Savoir qu’elle l’a écrit pendant les grandes vacances quand elle avait 17 ans l’est encore plus.
Elle a un don pour nous parler des « outcast », ces parias d’une société qui supporte si mal qu’on s’écarte du « droit chemin ». Au Japon, on travaille dur dès la naissance pour obtenir le droit de se fondre dans la masse et ne surtout pas se faire remarquer. On ne se pose même la question de pourquoi on devrait le faire, d’où l’état d’hébétude d’Asako, pour qui le mot qui correspondrait le mieux est « paumée ». Elle semble flotter dans un néant qui n’a ni début ni fin.
Dans beaucoup d’autres pays, on lui poserait la question « pourquoi ? ». Mais au Japon, on évite d’être aussi direct. Sa mère fait semblant de ne rien remarquer, un de ses amis proteste mollement face à son absentéisme, mais sans en faire trop (vous comprenez, il n’a pas le temps, il faut bien qu’il révise), et seul son petit voisin sait à quoi elle occupe ses journées. Les livres de Risa Wataya nous montrent en effet souvent des adolescents livrés à eux-mêmes, qui doivent se débrouiller seuls pour trouver leur chemin, car les adultes ne sont jamais là pour les aider ou répondre à leurs interrogations.
D’où ces comportements qui nous semblent complètement surréalistes : une adolescente qui sèche les cours pour aller sur des chats érotiques dans le placard de ses voisins qu’elle ne connait pas – et sans se faire prendre ? Il n’y a qu’au Japon qu’on peut trouver ça, et c’est sûrement cet aspect d’un pays souvent admiré, parfois critiqué mais le plus souvent mal connu, qui me fascine…
J’ai eu l’impression qu’en quelques cent pages, en décrivant les choses les plus triviales qui puissent paraitre, Risa Wataya a réussi à sonder et assez bien cerner la société japonaise d’aujourd’hui (pour ce que je peux en dire, étant donné que c’est un pays que je n’ai jamais vu de mes propres yeux), en s’intéressant à ceux qui sont sur les bas-côtés et ont refusé de se conformer à ce qu’on attend d’eux. En cela, ce court roman, qui se lit très vite, m’a rappelé les deux Murakami : Ruy, qui met souvent en scène des adolescents « déviants », et Haruki, dont les personnages sont assez souvent comme Asako, un peu paumés, et qui ne savent pas vraiment s’ils doivent suivre le mouvement, ou se poser et se demander ce qu’eux, veulent.
Une très belle découverte, j’espère pouvoir bientôt lire d’autres titres de cette auteure prometteuse ! J’ai déjà lu Appel du pied, son second roman, mais j’espère que d’autres suivront.

4 commentaires:

Erato a dit…

J'ai lu son deuxième roman (mais le premier édité en France), Appel du pied. Livre que j'avais trouvé étrange, mais aimé malgré tout ^^
J'ai donc hâte de lire son tout premier livre !!

Adalana a dit…

Je garde un très bon souvenir de cette lecture et je suis tout à fait d'accord avec ton avis.

Loula a dit…

Hello, pourrais-tu me donner des nouvelles?
Tu as aussi un message sur le blog d'Aka : http://dupartidesmyosotis.hautetfort.com/archive/2011/06/04/breloques.html
Merci

Touloulou a dit…

Erato : j'ai aussi lu son premier, celui-ci est aussi étrange mais j'aime bien ! Tu devrais aimer si Appel du pied t'a plu.
Adalana : toi qui es au Japon, sais-tu si elle en a sorti d'autres ? J'aimerais bien lire d'autres livres d'elle.