Jean-Louis Fournier, l'auteur de plusieurs romans, récits donc Où
on va papa ?, ou de petits recueils drôles comme Satané Dieu
parle dans son dernier livre de sa femme, Sylvie, qui est partie, le
laissant veuf.
« Sylvie est partie discrètement sur la pointe des pieds ,
en faisant un entrechat et le bruit que fait le bonheur en partant.
Elle ne voulait pas déranger, elle m'a dérangé au-delà de tout. »
Il y a les absurdités du quotidien, la facture SFR qui informe sa
femme que n'ayant pas utilisé son forfait le mois dernier, elle a
droit à un report d'heures, ou le questionnaire de satisfaction du
crématorium du Père Lachaise.
« Recommanderiez-vous le crématorium à vos proches ? »
Il y a aussi les petites choses, la boulangère qui glisse un
paquet de macarons avec sa baguette parce qu'elle sait la tristesse de celui qui reste, l'odeur du parfum de Sylvie qui est
resté dans son manteau rouge accroché dans l'entrée.
« Chaque fois que je vois des affaires à toi, j'ai du
chagrin, surtout ton sac à main. Chaque fois que je rentrais à la
maison et que je le voyais assoupi sur une chaise de l'entrée,
j'étais rassuré, tu étais là.
Maintenant, ton sac est toujours là, mais pas toi.
Garcia Marquez a écrit : "Les gens qu'on aime devraient mourir avec toutes leurs affaires". »
Maintenant, ton sac est toujours là, mais pas toi.
Garcia Marquez a écrit : "Les gens qu'on aime devraient mourir avec toutes leurs affaires". »
Il y a surtout la douleur de celui qui reste, mais dite avec
toujours beaucoup de pudeur et de tendresse. Jean-Louis Fournier a su
trouver des mots simples mais justes pour dire cette douleur qui est
au-delà des mots.C'est justement cette grande simplicité qui est si
émouvante et qui touche dès les premières lignes. Il tente de nous
faire rire pour ne pas nous faire pleurer, mais ce n'est pas toujours
un succès, et on finit par faire les deux en même temps.
« Depuis que tu es partie, j'ai pu compter jusqu'à sept
millions neuf cent quarante-huit mille huit cents. Tu as eu le temps
d'aller te cacher loin. Je cherche partout. Je ne trouve pas, je
désespère. La partie de cache-cache dure trop longtemps. Allez, tu
as gagné, tu peux sortir de ta cachette. Je n'ai plus envie de
jouer. Sors de ta cachette, tu as gagné. Sors de ta cachette, je
t'en supplie, j'ai perdu, j'ai tout perdu. »
« Maintenant, tous les matins, je me réveille seul. Je ne
me souviens plus tout de suite de la triste nouvelle, comme si tu
remourais tous les matins. »
Veuf n'est pas qu'un livre sur le deuil, c'est avant tout un bel
hommage et une déclaration d'amour. En le refermant, on pense à
Sylvie, qui revit un peu chaque fois qu'il parle d'elle. Puis on est
pris d'une envie de voir, d'appeler ceux qu'on aime.
Un beau livre dont je ne peux que recommander la lecture !
Publié aux éditions Stock (2011) et au Livre de Poche (2013), 160p.